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KERYGME ET PHILOCALIE EN POÉSIE

«Que la Parole du Christ habite en vous dans toute sa beauté : instruisez-vous et édifiez-vous les uns les autres avec pleine sagesse ; chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance – votre émerveillement – par des psaumes, des hymnes et de libres chants inspirés par l’Esprit. » (Col 3, 16)

Nous voici aussi pour rendre compte de l’espérance qui habite en nous (1 P 3, 15-18). Car cette espérance, c’est quelqu’un : « Le plus beau des enfants de l’homme » (Psaume 44), la Beauté même.

MOUVEMENT VERS L’AUTRE

Pourquoi ne pas penser que Dieu est celui qui viendra, qui de toute éternité doit venir, qu’il est le futur, le fruit accompli d’un arbre dont nous sommes les feuillages ? Quoi donc nous empêche de projeter sa venue dans le devenir et de vivre comme un des jours douloureux et beaux d’une sublime grossesse ? Ne voyez-vous donc pas que tout ce qui arrive est toujours commencement ? Ne pourrait-il pas être son commencement à lui ? Il est tant de beauté dans tout ce qui commence ! R.M. Rilke, Lettres à un jeune poète (extrait de POESIEDirecte N°4, l’attente, 2001)

Illustration : Duc in altum Manuel Berthol (extrait de POESIEDirecte, N°5, la providence, 2002)

 

LES PIERRES CRIERONT

Et, tandis qu’il avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. Déjà il approchait de la descente du mont des Oliviers quand, dans la joie, toute la foule des disciples se mit à louer Dieu d’une voix forte pour tous les miracles qu’ils avaient vus. Ils disaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Paix et grande joie dans le ciel!» Quelques pharisiens qui se trouvaient là lui dirent : « Maître, reprends tes disciples.» Mais il répondit : « Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront.» (Lc 19, 36‐40)

Sous l’action de la lumière pénétrante, dans un éclatement libérateur, le cœur de pierre se dilate. Lorsque roulent au sol les débris pierreux du cœur endurci, après que la lumière a pénétré dans son enceinte, eux-mêmes reconnaissent le triomphe de l’ordre qui les renvoie à la terre. Eux-mêmes crient leur joie. Le cœur de pierre défait, éclaté, recouvre la tendresse et la sensibilité de sa chair première. Il est alors le lieu où la vie nouvelle est célébrée d’elle‐même, la cité d’élection d’une joie spontanée dont le jaillissement s’opère naturellement. De la pierre la plus dure jaillit une eau vive qui reconnaît sa source et son cours triomphal.

Extrait de POESIEDirecte N°12 la joie (2006)

 

LA VOCATION SPIRITUELLE DES POÈTES

L’homme n’est pas un ange. Le sens doit toucher ses sens. Il a besoin d’images, fussent-elles approximatives et ambigües. (…) L’homme aura toujours et même plus radicalement vocation de faire resplendir le spirituel dans le matériel. Or, cette vocation, c’est celle de l’art. Les corps glorieux sont essentiellement des corps poétiques. Ils orchestreront les cieux nouveaux et la terre nouvelle, avec leurs étoiles, leurs plantes et leurs bêtes comme autant de jeux d’orgue pour inventer sans cesse de nouvelles façons de célébrer l’Éternel.

Fabrice Hadjadj